Artemisia Gentileschi (née le 8 juillet 1593 à Rome, morte à Naples vers 1652) est une peintre italienne de l'école caravagesque.
A l'aube du XVIIe siècle, quand les femmes étaient mineures à vie, Artemisia Gentileschi a brisé toutes les lois de la société en n'appartenant qu'à son art. En quête de sa propre gloire et de sa liberté, elle a travaillé pour des princes et des cardinaux, gagné sa vie à la force de son pinceau, et construit son oeuvre, inlassablement. Comme le Caravage, il a fallu attendre plus de trois siècles pour qu'elle soit à nouveau reconnue et universellement appréciée.
Vivant dans la première moitié du XVIIe siècle, elle reprend de son père Orazio la limpide rigueur du dessin en lui rajoutant une forte accentuation dramatique héritée de l'œuvre du Caravage et chargée d'effets théâtraux. Cette stylistique contribua à la diffusion du caravagisme à Naples, ville dans laquelle elle s'installe en 1630.
Elle devient un peintre de cour à succès, sous le patronage des Médicis et de Charles Ier d'Angleterre.
Remarquablement douée et aujourd'hui considérée comme l'un des premiers peintres baroques, l'un des plus accomplis de sa génération, elle s'impose par son art à une époque où les femmes peintres ne sont pas facilement acceptées. Elle est également la première femme à peindre l'histoire et la religion à une époque où ces thèmes héroïques sont considérés comme hors de portée d'un esprit féminin. Elle nous a laissé d'elle un autoportrait d'une grande vigueur qui dénote une maîtrise consommée de son art et de l'art.
On attribue à son viol et au procès humiliant qui s'ensuivit certains traits de son œuvre, l'obscurité et la violence graphique qui s'y déploient, en particulier dans le tableau célèbre qui montre Judith décapitant froidement Holopherne. Ses peintures expriment souvent le point de vue féminin.
Artemisia Gentileschi est née à Rome le 8 juillet 1593, elle est la première enfant du peintre maniériste toscan, Orazio Gentileschi (1563-1639), représentant de tout premier plan du caravagisme romain. Artemisia fait son apprentissage artistique dans l'atelier paternel, aux côtés de ses frères et démontre par rapport à eux un talent bien plus élevé, apprenant le dessin, la manière de mélanger les couleurs et de donner du brillant aux tableaux.
La première œuvre attribuée à Artemisia, qu'elle signe dès l'âge de 17 ans (sûrement aidée par son père, déterminé à faire connaître ses dons artistiques précoces), est sa Suzanne et les vieillards, réalisée en 1610
À 19 ans, alors que l'accès à l'enseignement des Beaux-Arts, exclusivement masculin, lui est interdit, son père lui donne un précepteur privé, le peintre Agostino Tassi. Un scandale marque alors sa vie. Artemisia est violée par Tassi employé à cette époque avec Orazio Gentileschi à la décoration à fresque des voûtes du Pavillon des Roses dans le Palais Pallavicini Rospigliosi de Rome.
Celui-ci promet d'abord de l'épouser pour sauver sa réputation, mais il ne tient pas sa promesse et le père d'Artemisia porte l'affaire devant le tribunal papal. L'instruction, qui dure sept mois, permet de découvrir que Tassi avait formé le projet d'assassiner son épouse, avait commis un inceste avec sa belle-sœur et avait voulu voler certaines peintures d'Orazio Gentileschi. Pendant le procès, Artemisia est soumise à un humiliant examen gynécologique et « soumise à la question » pour vérifier la véracité de ses accusations. Elle résistera à la torture et maintiendra ses accusations. Tassi est condamné à un an de prison et à l'exil des États pontificaux.
Témoignage d'Artemisia au procès, selon les chroniques de l'époque :
« Il ferma la chambre à clef et après l'avoir fermée il me jeta sur le bord du lit en me frappant sur la poitrine avec une main, me mit un genou entre les cuisses pour que je ne puisse pas les serrer et me releva les vêtements, qu'il eut beaucoup de mal à m'enlever, me mit une main à la gorge et un mouchoir dans la bouche pour que je ne crie pas et il me lâcha les mains qu'il me tenait avant avec l'autre main, ayant d'abord mis les deux genoux entre mes jambes et appuyant son membre sur mon sexe il commença à pousser et le mit dedans, je lui griffai le visage et lui tirai les cheveux et avant qu'il le mette encore dedans je lui écrasai le membre en lui arrachant un morceau de chair. » Artemisia aurait été torturée pour empêcher de peindre des toiles considérées comme osées à l'époque ! On lui aurait écorché et ficelé au moyen de fils de fer les doigts d'une de ses mains ainsi que celle-ci pour nuire à son talent. »
La toile qui représente Judith décapitant Holopherne (1612-1613), impressionnante par la violence de la scène, a été interprétée selon les thèses psychologiques et psychanalytiques, comme un désir de revanche par rapport à la violence subie.
Un mois après la conclusion du procès, Orazio arrange pour Artemisia un mariage avec Pietro Antonio Stiattesi, modeste peintre florentin, qui aide Artemisia, violentée, abusée et dénigrée, à retrouver un statut honorable.
Le couple s'installe à Florence, où ils ont quatre enfants, dont seule la fille, Prudenzia, vécut suffisamment pour suivre sa mère lors de son retour à Rome puis à Naples.
À Florence, Artemisia connaît un succès flatteur. Elle est acceptée à l'Académie du dessin (elle est la première femme à jouir d'un tel privilège), montre qu'elle est capable de conquérir les faveurs et la protection de personnes influentes, à commencer par le Grand-duc Cosme II et plus particulièrement la Grande-duchesse Christine de Lorraine. Elle entretient de bonnes relations avec Galileo Galilei, avec qui elle reste en contact épistolaire bien après sa période florentine.
Elle travaille notamment au palais Buonarroti où le neveu du grand Michelangelo (Buonarroti le Jeune) occupe parmi ses amateurs une place d'une particulière importance : occupé à construire une demeure pour célébrer la mémoire de son illustre aïeul, il confie à Artemisia l'exécution d'une toile destinée à décorer le plafond de la salle des peintures.
La toile en question représente une Allégorie de l'Inclination (ou du Talent naturel), représentée sous forme d'une jeune femme nue tenant en main une boussole. Il est vraisemblable que l'avenant visage féminin a les traits d'Artemisia elle-même qui, comme en disent les informations mondaines de l'époque, est une femme d'un charme extraordinaire.
Il arrive souvent en effet, dans les toiles d'Artemisia, que l'apparence des plantureuses et énergiques héroïnes qu'on lui compare aient les traits du visage que l'on retrouve dans ses portraits ou auto-portraits : souvent le commanditaire de ses toiles désirait avoir une image rappelant visuellement l'auteur dont la réputation allait croissant. Son succès et la fascination qui émane de son personnage alimentent durant toute sa vie des allusions et des plaisanteries sur sa vie privée.
Appartiennent à la période florentine la Conversion de Madeleine et Judith et sa servante conservées à la Galerie Palatine du Palais Pitti, ainsi que son indéniable chef-d'œuvre, conservé à la Galerie des Offices, une seconde version, plus grande, de sa Judith décapitant Holopherne, où elle donne ses propres traits à sa Judith, attribuant à Holopherne ceux de Tassi.
Séparée de son mari, Artemisia s'installe à Rome comme une femme désormais indépendante, en mesure de prendre une maison et d'élever ses enfants.
En 1630 Artemisia se rend à Naples, estimant qu'il pourrait avoir, dans cette ville florissante de chantiers et de passionnés de beaux-arts, de nouvelles et plus enrichissantes possibilités de travail.
C'est à Naples que pour la première fois Artemisia est amenée à peindre des toiles pour une cathédrale, celles dédiées à la vie de San Gennaro à Pozzuoli.
En 1638, Artemisia rejoint son père à Londres où Orazio, devenu peintre de la cour de Charles Ier
Le musée Maillol rend hommage à l'une des plus importantes femmes peintres de l'histoire de l'art, Artemisia Gentileschi, dont on pourra découvrir les toiles à partir du 14 mars.
Mais je vous reparlerai bientôt du musée Maillol...
A l'aube du XVIIe siècle, quand les femmes étaient mineures à vie, Artemisia Gentileschi a brisé toutes les lois de la société en n'appartenant qu'à son art. En quête de sa propre gloire et de sa liberté, elle a travaillé pour des princes et des cardinaux, gagné sa vie à la force de son pinceau, et construit son oeuvre, inlassablement. Comme le Caravage, il a fallu attendre plus de trois siècles pour qu'elle soit à nouveau reconnue et universellement appréciée.
Vivant dans la première moitié du XVIIe siècle, elle reprend de son père Orazio la limpide rigueur du dessin en lui rajoutant une forte accentuation dramatique héritée de l'œuvre du Caravage et chargée d'effets théâtraux. Cette stylistique contribua à la diffusion du caravagisme à Naples, ville dans laquelle elle s'installe en 1630.
Elle devient un peintre de cour à succès, sous le patronage des Médicis et de Charles Ier d'Angleterre.
Remarquablement douée et aujourd'hui considérée comme l'un des premiers peintres baroques, l'un des plus accomplis de sa génération, elle s'impose par son art à une époque où les femmes peintres ne sont pas facilement acceptées. Elle est également la première femme à peindre l'histoire et la religion à une époque où ces thèmes héroïques sont considérés comme hors de portée d'un esprit féminin. Elle nous a laissé d'elle un autoportrait d'une grande vigueur qui dénote une maîtrise consommée de son art et de l'art.
On attribue à son viol et au procès humiliant qui s'ensuivit certains traits de son œuvre, l'obscurité et la violence graphique qui s'y déploient, en particulier dans le tableau célèbre qui montre Judith décapitant froidement Holopherne. Ses peintures expriment souvent le point de vue féminin.
Artemisia Gentileschi est née à Rome le 8 juillet 1593, elle est la première enfant du peintre maniériste toscan, Orazio Gentileschi (1563-1639), représentant de tout premier plan du caravagisme romain. Artemisia fait son apprentissage artistique dans l'atelier paternel, aux côtés de ses frères et démontre par rapport à eux un talent bien plus élevé, apprenant le dessin, la manière de mélanger les couleurs et de donner du brillant aux tableaux.
La première œuvre attribuée à Artemisia, qu'elle signe dès l'âge de 17 ans (sûrement aidée par son père, déterminé à faire connaître ses dons artistiques précoces), est sa Suzanne et les vieillards, réalisée en 1610
À 19 ans, alors que l'accès à l'enseignement des Beaux-Arts, exclusivement masculin, lui est interdit, son père lui donne un précepteur privé, le peintre Agostino Tassi. Un scandale marque alors sa vie. Artemisia est violée par Tassi employé à cette époque avec Orazio Gentileschi à la décoration à fresque des voûtes du Pavillon des Roses dans le Palais Pallavicini Rospigliosi de Rome.
Celui-ci promet d'abord de l'épouser pour sauver sa réputation, mais il ne tient pas sa promesse et le père d'Artemisia porte l'affaire devant le tribunal papal. L'instruction, qui dure sept mois, permet de découvrir que Tassi avait formé le projet d'assassiner son épouse, avait commis un inceste avec sa belle-sœur et avait voulu voler certaines peintures d'Orazio Gentileschi. Pendant le procès, Artemisia est soumise à un humiliant examen gynécologique et « soumise à la question » pour vérifier la véracité de ses accusations. Elle résistera à la torture et maintiendra ses accusations. Tassi est condamné à un an de prison et à l'exil des États pontificaux.
Témoignage d'Artemisia au procès, selon les chroniques de l'époque :
« Il ferma la chambre à clef et après l'avoir fermée il me jeta sur le bord du lit en me frappant sur la poitrine avec une main, me mit un genou entre les cuisses pour que je ne puisse pas les serrer et me releva les vêtements, qu'il eut beaucoup de mal à m'enlever, me mit une main à la gorge et un mouchoir dans la bouche pour que je ne crie pas et il me lâcha les mains qu'il me tenait avant avec l'autre main, ayant d'abord mis les deux genoux entre mes jambes et appuyant son membre sur mon sexe il commença à pousser et le mit dedans, je lui griffai le visage et lui tirai les cheveux et avant qu'il le mette encore dedans je lui écrasai le membre en lui arrachant un morceau de chair. » Artemisia aurait été torturée pour empêcher de peindre des toiles considérées comme osées à l'époque ! On lui aurait écorché et ficelé au moyen de fils de fer les doigts d'une de ses mains ainsi que celle-ci pour nuire à son talent. »
La toile qui représente Judith décapitant Holopherne (1612-1613), impressionnante par la violence de la scène, a été interprétée selon les thèses psychologiques et psychanalytiques, comme un désir de revanche par rapport à la violence subie.
Un mois après la conclusion du procès, Orazio arrange pour Artemisia un mariage avec Pietro Antonio Stiattesi, modeste peintre florentin, qui aide Artemisia, violentée, abusée et dénigrée, à retrouver un statut honorable.
Le couple s'installe à Florence, où ils ont quatre enfants, dont seule la fille, Prudenzia, vécut suffisamment pour suivre sa mère lors de son retour à Rome puis à Naples.
À Florence, Artemisia connaît un succès flatteur. Elle est acceptée à l'Académie du dessin (elle est la première femme à jouir d'un tel privilège), montre qu'elle est capable de conquérir les faveurs et la protection de personnes influentes, à commencer par le Grand-duc Cosme II et plus particulièrement la Grande-duchesse Christine de Lorraine. Elle entretient de bonnes relations avec Galileo Galilei, avec qui elle reste en contact épistolaire bien après sa période florentine.
Elle travaille notamment au palais Buonarroti où le neveu du grand Michelangelo (Buonarroti le Jeune) occupe parmi ses amateurs une place d'une particulière importance : occupé à construire une demeure pour célébrer la mémoire de son illustre aïeul, il confie à Artemisia l'exécution d'une toile destinée à décorer le plafond de la salle des peintures.
La toile en question représente une Allégorie de l'Inclination (ou du Talent naturel), représentée sous forme d'une jeune femme nue tenant en main une boussole. Il est vraisemblable que l'avenant visage féminin a les traits d'Artemisia elle-même qui, comme en disent les informations mondaines de l'époque, est une femme d'un charme extraordinaire.
Il arrive souvent en effet, dans les toiles d'Artemisia, que l'apparence des plantureuses et énergiques héroïnes qu'on lui compare aient les traits du visage que l'on retrouve dans ses portraits ou auto-portraits : souvent le commanditaire de ses toiles désirait avoir une image rappelant visuellement l'auteur dont la réputation allait croissant. Son succès et la fascination qui émane de son personnage alimentent durant toute sa vie des allusions et des plaisanteries sur sa vie privée.
Appartiennent à la période florentine la Conversion de Madeleine et Judith et sa servante conservées à la Galerie Palatine du Palais Pitti, ainsi que son indéniable chef-d'œuvre, conservé à la Galerie des Offices, une seconde version, plus grande, de sa Judith décapitant Holopherne, où elle donne ses propres traits à sa Judith, attribuant à Holopherne ceux de Tassi.
Séparée de son mari, Artemisia s'installe à Rome comme une femme désormais indépendante, en mesure de prendre une maison et d'élever ses enfants.
En 1630 Artemisia se rend à Naples, estimant qu'il pourrait avoir, dans cette ville florissante de chantiers et de passionnés de beaux-arts, de nouvelles et plus enrichissantes possibilités de travail.
C'est à Naples que pour la première fois Artemisia est amenée à peindre des toiles pour une cathédrale, celles dédiées à la vie de San Gennaro à Pozzuoli.
En 1638, Artemisia rejoint son père à Londres où Orazio, devenu peintre de la cour de Charles Ier
Mais je vous reparlerai bientôt du musée Maillol...
Quel magnifique guide, tu aurais fait, Christiana!
RépondreSupprimerTrès intéressante ton explication. Bon dimanche!
Une exposition sans aucun doute à ne pas manquer... merci pour ce magnifique reportage.
RépondreSupprimerGros bisous
Si ce brillant exposé ouvre ici une ère nouvelles de cours d'Histoire de l'Art, je suis preneur !
RépondreSupprimerAinsi, ai-je appris - en vérifiant les détails des deux clichés que vous publiez ; puis, en allant vérifier sur le Net - qu'elle avait bien réalisé deux versions de "Judith et Holopherme" ... dont, personnellement, je ne connaissais, bien différente, que celle de Klimt ...
Merci Christiana.
Et poursuivez dans cette voie de partage de vos connaissances : elle me sied !
Immense talent que tu vas découvrir à Paris!!! Merci pour le rappel de son vécu!!BISOUS FAN
RépondreSupprimerTon article est magique, chère Christiana, et je souscris totalement aux propos de Richard Lejeune : quelle autre personne que toi pourrait dispenser avec autant de souci du détail et de passion des cours d'Histoire de l'art... ? Avec, pour principale spécialité, l'Italie dite de la "Renaissance" (caravagesque et autre... mais je suis tellement ignare!).
RépondreSupprimerJe vais dès ce Premier mai imprimer ton article-phare (et fleuve à la fois) et tâcher de lire tous les épisodes de ton voyage artistique à Paris : ce carnet d'aquarelles si sensibles et "amosphériques" autour du canal St-Martin (j'y ai aquarellisé aussi... une seule fois et en stage avec Izys !).
Artemisia Gentileschi fut vraiment une femme exceptionnelle... rien que sur le plan de son parcours et son expression artistiques : un art proche de la perfection ("Judith décapitant Holopherne" est sidérant de force expressive !).
Sans doute êtes-vous déjà au moins deux, Barbara et toi - je veux dire parmi mes précieuses Amies - à avoir pu visiter cette fabuleuse exposition... que je manquerai pas de visiter en juin lors d'une brève visite parisienne...
Je vais apposer le lien à ton bel article à la fin de celui de "L'âme de fond" (ce dessin encore si maladroit...)
Bises et mille fois MERCI !
PS : bien sûr, je tâcherai de m'inspirer modestement de ce tableau d'Artemisia pour "traiter" mon dessin à l'huile...
MERCI pour le lien
RépondreSupprimerquel boulot pour écrire un tel article si riche et complet
Bravo
je m'inscris à votre lettre
A bientôt
JA