vendredi 19 juin 2009

50 ans

C'est le 50ème anniversaire de la mort de Boris Vian.


50 ans déjà et il n'a pas pris une ride, sa trompette résonne encore dans les caves de Saint-Germain des Prés, ses mots d'anarchiste irrévérencieux sont toujours dans nos têtes.

Ce poème que j'aime énormément parle de la mort et pourtant est une ode à la vie.




J'voudrais pas crever


Je voudrais pas crever

Avant d' avoir connu

Les chiens noirs du Mexique

Qui dorment sans rêver

Les singes à cul nu

Dévoreurs de tropiques

Les araignées d' argent

Au nid truffé de bulles

Je voudrais pas crever

Sans savoir si la lune

Sous son faux air de thune

A un côté pointu

Si le soleil est froid

Si les quatre saisons

Ne sont vraiment que quatre

Sans avoir essayé

De porter une robe

Sur les grands boulevards

Sans avoir regardé

Dans un regard d'égout

Sans avoir mis mon zobe

Dans les coinstots bizarres

Je voudrais pas finir

Sans connaître la lèpre

Ou les sept maladies

Qu' on attrape là-bas

Le bon, ni le mauvais

Ne me feraient pas de peine

Si si si je savais

que j' en aurais l' étrenne

Et il y a z' aussi

Tout ce que je connais

Tout ce que j' apprécie

Que je sais qui me plaît

le fond vert de la mer

Où valsent les brins d' algue

Sur le sable ondulé

L' herbe grillée de juin

La terre qui craquelle

L' odeur des conifères

Et les baisers de celle

Que ceci que cela

La belle que voilà

Mon ourson, l' Ursula

Je voudrais pas crever

Avant d' avoir usé

Sa bouche avec ma bouche

Son corps avec mes mains

Le reste avec mes yeux

J' en dis pas plus faut bien

Rester révérencieux

Je voudrais pas mourir

Sans qu' on ait inventé

Les roses éternelles

La journée de deux heures

La mer à la montagne

La montagne à la mer

La fin de la douleur

Les journaux en couleur

Tous les enfants contents

Et tant de trucs encore

Qui dorment dans les crânes

Des géniaux ingénieurs

Des jardiniers joviaux

Des soucieux socialistes

des urbains urbanistes

Et des pensifs penseurs

Tant de choses à voir

A voir et à z' entendre

Tant de temps à attendre

A chercher dans le noir

Et moi je vois la fin

Qui grouille et qui s' amène

Avec sa gueule moche

Et qui m'ouvre ses bras

De grenouille bancroche

Je voudrais pas crever

Non monsieur non madame

Avant d' avoir tâté

Le goût qui me tourmente

Le goût qu' est le plus fort

Je voudrais pas crever

Avant d' avoir goûté

La saveur de la mort...

4 commentaires:

  1. Magnifique poème que celui-ci, je ne le connaissait pas, mais il me plait beaucoup.
    Merci Christiane et soignez-vous, je termine le diaporama et je vous l'envois, amitié

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  2. Le versant mélancolique et surréaliste de Boris Vian... j'ai aussi une tendresse pour "Le cinéma de Papa", une chanson de nostalgie douce de ces temps d'enfance entre cinéma muet et parlant...

    Quel type épatant ! Sans concessions... "Et sa trompinette mettait le feu aux balcons", chantait Yces Simon...

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  3. J'adore ce poème! je le connais aussi chanté par le groupe Eiffel, version très bien en live, mais très nulle en studio.

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