jeudi 7 juin 2007

L'horloge Baudelaire

Naissance dans l'atelier


L'horloge

Horloge ! dieu sinistre, effrayant , impassible,

Dont le doigt nous menace et nous dit :

Les vibrantes Douleurs dans ton cour plein d'effroi

Se planteront bientôt comme dans une cible ;


Le Plaisir vaporeux fuira vers l'horizon

Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse ;

Chaque instant te dévore un morceau du délice

A chaque homme accordé pour toute sa saison


Trois mille six cents fois par heure, la Seconde

Chuchote : Souviens-toi ! - Rapide, avec sa voix

D'insecte , Maintenant dit : je suis Autrefois,

Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !


Remember ! Souviens-toi ! prodigue ! Esto memor !

(Mon gosier de métal parle toute les langues.)

Les minutes, mortel folatre, sont des gangues

Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or !


Souviens toi que le temps est un joueur avide

Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c'est la loi,

Le jour décroît ; la nuit augmente ; souviens-toi !

Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.


Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard,

Où l'auguste Vertu, ton épouse encor vierge,

Où le Repentir même (oh ! la dernière auberge !) ,

Où tout dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! >

Baudelaire

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